Interview du docteur Luc MEYER, psychothérapeute et psychiatre à Paris.
Qu’il soit conflictuel ou à l’amiable, le divorce n’est jamais anodin. C’est un événement qui bouleverse les habitudes de la vie. Il remet en cause les fondations d’une vie de couple qui s’achève, il ouvre une phase de turbulences et de perturbations qui est déstabilisante. Il représente un saut dans l’inconnu dont le cap est parfois difficile à négocier. Ses effets psychologiques débordent du seul cadre de l’intimité des conjoints qui se séparent. De manière parfois inattendue, le divorce amène ainsi à redéfinir sous un jour nouveau les rapports que l’on entretenait avec ses enfants ou ses amis. En compagnie du Dr. Luc Meyer, tour d’horizon des conséquences psychologiques du divorce
Le journaliste : Comment le psychiatre que vous êtes, explique la hausse continue des divorces ?
Dr. Luc MEYER : j’ai l’impression que les femmes ont » bougé » beaucoup plus vite que les hommes depuis quarante ans. Dans le passé, on apprenait aux femmes à cuisiner et à faire la vaisselle, puis quand elles se mariaient, elles restaient à la maison pour s’occuper des enfants. Rien n’était fait pour qu’elles se posent la question de savoir comment ça allait, si elles avaient envie de faire autre chose. La libération de la femme a permis une évolution positive en direction d’une plus grande liberté, d’une plus grande autonomie. Tandis que les hommes, dans leur majorité, ne semblent pas avoir mesuré à quel point les femmes se sont affranchies de la sphère domestique. Ils s’attendent toujours à voir leur femme accomplir les tâches ménagères quand ils rentrent le soir à la maison. Ce décalage entre hommes et femmes entraîne beaucoup de frustration des deux côtés. Je pense que ce point est important pour tenter de comprendre toutes ces vies de couple qui se mettent à ne plus fonctionner.
Mais j’ai en outre le sentiment que la société est devenue de plus en plus difficile. Les femmes comme les hommes dépensent de plus en plus d’énergie pour résoudre des conflits à l’extérieur, dans le travail, dans la vie sociale, énergie qu’ils n’ont peut-être plus pour régler les problèmes intra-familiaux. Cette forte pression sociale doit probablement jouer en défaveur d’une vie de couple stable.
Elled : Quelles sont les pathologies qui peuvent survenir à l’occasion d’un divorce ?
LM : Lors d’un divorce, le conjoint qui n’a pas décidé de divorcer peut être frappé d’un syndrome dépressif réactionnel. C’est une blessure narcissique qui entraîne un sentiment de tristesse, de culpabilité, de péjoration de l’avenir. On pense qu’on ne va plus arriver à rien. La personne n’est pas bien, dort mal, a du mal à se concentrer. Le syndrome joue sur tous les registres, se diffuse dans tous les secteurs de la vie de la personne.
Elled. : Comment peut-on venir à bout d’un syndrome dépressif réactionnel ?
L.M : L’essentiel est de faire un travail de deuil sur le mariage et de parvenir à métaboliser l’épreuve, c’est-à-dire à accepter qu’il y ait une séparation. Savoir arrêter une histoire, pour passer à autre chose. Lorsque l’on a beaucoup souffert, il peut être plus difficile de s’en remettre, cela peut prendre un certain temps. Mais on sait que l’on a fait le deuil lorsque l’on arrive à passer à autre chose, que la peur et l’anxiété ont disparu et surtout que la confiance en soi est revenue. Il y a une panoplie de signes qui fait partie d’une dépression et qui s’amenuise à mesure que la blessure narcissique se résorbe. Mais si au bout de quelques mois, les signes ne se sont pas estompés, si on ne parvient pas à métaboliser l’épreuve, il faut songer à se faire aider, en allant consulter un spécialiste.
Eled. : Si le couple a des enfants, que peut-il se passer ?
L.M : Quelqu’un a dit que » le mariage c’est de régler à deux des problèmes qu’on n’aurait pas eu tout seul « . Avec le divorce on se retrouve à régler tout seul des problèmes qu’on aurait pu résoudre à deux. Or les enfants, notamment pour des questions liées à leur éducation, c’est » une affaire qui dure « , si vous me permettez l’expression ! La recherche d’une » cohérence » dans l’éducation des enfants est ainsi plus difficile à trouver quand les deux parents ne sont plus ensemble. Aussi toutes les formules qui participent à instaurer le dialogue et la discussion entre les ex-conjoints est une bonne chose. C’est d’ailleurs un signe de » bonne santé » que d’être capable de gérer le divorce et la séparation sans que les enfants soient exposés. Le divorce doit rester un problème entre adultes, les parents doivent essayer de ne pas en faire pâtir leurs enfants, ils doivent faire en sorte de les préserver. Parce que si l’on est irritable, énervé, déprimé, agressif envers le conjoint dont on vient de divorcer, et ce plusieurs mois durant, cela aura nécessairement une influence sur les enfants. Or il n’est pas souhaitable qu’ils se retrouvent exposés en première ligne aux différends entre les parents. Les parents doivent être capable de distinguer ce qui relève de l’éventuel conflit conjugal et ce qui relève de la relation avec leurs enfants.
Elled. : Et les amis dans tout ça ?
L.M : le divorce est une phase où se pose aussi le problème de savoir qui on fréquente et pourquoi. A cette occasion, des gens prennent conscience qu’ils fréquentaient surtout les amis du conjoint dont ils se séparent, ou qu’ils ont perdu de vue leurs propres amis. Au moment où la rupture survient, la sensation de solitude et d’isolement peut alors être aggravée, quand vous vous retrouvez sans plus personne à qui vous adresser. Dans la vie d’un couple marié, la préservation de son propre cercle amical est donc essentielle. Pour ne pas subir de désillusions en cas de divorce, il ne faut surtout pas se laisser éloigner de son cercle amical par le conjoint. Avant même de songer à divorcer, si déjà votre conjoint vous empêche de voir vos amis, c’est le signe que quelque chose ne va plus.
Elled. : Peut-on aimer de nouveau après une séparation?
L.M : ce n’est pas parce que l’on est déçu par un amour en particulier que l’on devient un déçu de l’amour en général. Le pessimisme et le cynisme font partie de la dépression, ce sont des signes qui devront s’amenuiser petit à petit. Le divorce peut déboucher sur un nouveau bonheur. Après une séparation, beaucoup de gens recommencent des histoires qui se passent bien, il arrive même qu’ils se remarient sans plus jamais songer à divorcer !
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