En Ukraine, 4 chefs d’Etat africains difficilement audibles sous le son des canons!

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Une délégation africaine doit rencontrer Zelensky à Kyiv ce vendredi, puis Poutine à Saint-Pétersbourg samedi : une initiative de paix montée par un homme d’affaires français, diplomate de l’ombre appartenant au premier cercle du président congolais Sassou-Nguesso.

Le président du Sénégal, Macky Sall, et le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, à Dakar, en 2021.

Etrange timing pour une médiation. En Ukraine, la guerre redouble d’intensité, depuis une semaine et le lancement de la contre-offensive des troupes de Kyiv. Les lignes de défense russes tiennent jusqu’à présent, et Moscou réplique par une campagne de bombardements tous azimuts y compris vendredi matin sur Kyiv. Les combats ont rarement atteint un tel degré de violence depuis les premières semaines de la guerre, au printemps 2022. En plein milieu de cette séquence militaire stratégique, quatre chefs d’Etat africains sont arrivés dans la capitale ukrainienne ce vendredi. Ils portent «un message de paix, tout au moins d’apaisement», avait indiqué en début de semaine le président congolais, Denis Sassou-Nguesso… Presque des gros mots, en ce moment, pour Kyiv et Moscou.

La visite de la délégation commence sur un léger couac. Trois chefs d’Etat annoncés se sont désistés à la dernière minute : l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi, l’Ougandais Yoweri Museveni et Denis Sassou-Nguesso lui-même, ne sont pas du voyage. Chacun a envoyé un émissaire pour le représenter. Sont donc arrivés à Kyiv, en train, au petit matin, Cyril Ramaphosa (président de l’Afrique du Sud), Macky Sall (Sénégal), Hakainde Hichilema (Zambie) et Azali Assoumani (Comores et président en exercice de l’Union africaine). Ce matin, ils ont assisté à une cérémonie d’hommage aux victimes à Boutcha, ville martyre de l’occupation russe dans la banlieue de la capitale ukrainienne, devenue le passage obligé des visiteurs de marque étrangers.

Délégation «équilibrée»

Les quatre dirigeants africains seront ensuite reçus par Volodymyr Zelensky. Ils doivent se rendre à Saint-Pétersbourg le lendemain pour rencontrer Vladimir Poutine. Rien n’a filtré du contenu de leur offre de médiation, de leurs propositions de négociations ou même simplement de leurs attentes. Toutes les précédentes initiatives similaires – elles ont été nombreuses – se sont cassées les dents. Zelensky et Poutine excluent catégoriquement une reprise des discussions, a fortiori au cœur de la bataille.

Ce curieux voyage africain entre Kyiv et Moscou a été organisé par un homme d’affaires français très proche du président Sassou-Nguesso, Jean-Yves Ollivier, à la tête de la Fondation Brazzaville, spécialisée dans les actions de diplomatie parallèle. Le businessman, qui a fait fortune dans le négoce de matières premières, aurait composé une délégation présentée comme «neutre» dans le conflit ukrainien, ou plutôt se voulant «équilibrée» : le Sud-Africain Ramaphosa a déjà affiché ses positions pro-russes, au nom des liens tissés avec Moscou pendant la lutte anti-apartheid, tandis que le Zambien Hichilema est plutôt considéré comme pro-ukrainien. Lors des réunions préparatoires, Jeune Afrique a aussi révélé la présence d’un ami de longue date de Jean-Yves Ollivier, le marchand d’armes sud-africain Ivor Ichikowitz, fondateur du groupe Paramount.

Privilégier leurs intérêts

L’initiative du groupe des sept (les quatre présents à Kyiv et les trois absents) est poliment regardée par le reste du monde, mais personne ne s’attend sérieusement à une quelconque avancée en direction d’une reprise des discussions. Ni Kyiv ni Moscou, qui se livrent aussi une partie d’échecs diplomatique à l’échelle mondiale, ne peuvent cependant se permettre de dédaigner ces pays d’Afrique représentants d’un «Sud global», selon l’expression en vogue, qui penche légèrement vers la Russie, notamment par agacement pour la légèreté avec lesquelles leurs propres crises ont été traitées dans le passé par l’Occident. A leur tour de privilégier leurs intérêts, font-ils savoir, à plus forte raison dans un conflit qui ne les concerne

qu’indirectement.

Les conséquences négatives de la guerre d’Ukraine sur leurs propres économies – par les perturbations du marché des céréales et des engrais, la hausse des prix des matières premières et l’inflation qui en découle – seront d’ailleurs certainement évoquées avec Zelensky et Poutine. Peut-être même les moyens d’y remédier, ou de compenser en partie ces dommages collatéraux. Et si cette initiative avait finalement davantage d’intérêt pour les médiateurs que pour les belligérants ? Les dirigeants africains présents à Kyiv ce vendredi n’ont à peu près aucun moyen de pression – ni carotte, ni bâton – sur les acteurs du conflit. La «paix» et «l’apaisement» ne sont pas pour demain. Tout le monde le sait en vérité, mais ils agissent aujourd’hui comme des mots de passe magiques pour accéder à Kyiv et Moscou, vers lesquels le monde a les yeux fixés depuis le 24 février 2022.

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