Le juge a mis en cause l’enquête et les méthodes d’interrogatoire qui ont conduit à sa condamnation à mort en 1968. Les soutiens de M. Hakamada espèrent que les procureurs ne feront pas appel de ce jugement.
Il faut espérer que cela soit la dernière page du dossier Hakamada. Condamné à la peine capitale le 11 septembre 1968, Iwao Hakamada, un Japonais de 88 ans a été acquitté, jeudi 26 septembre, par le tribunal de Shizuoka lors de son procès en révision.
M. Hakamada est le détenu ayant passé le plus d’années dans le couloir de la mort au monde – près de 46 ans –, un record dont il se serait volontiers passé. Ancien boxeur devenu employé dans une entreprise de fabrication de miso (soja fermenté), il avait été arrêté en août 1966, accusé d’avoir assassiné le 30 juin 1966 son patron, la femme de ce dernier et leurs deux enfants. Il a été condamné à la peine capitale deux ans plus tard.
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Lors de son procès, il était revenu sur ses aveux, affirmant avoir été battu lors de son interrogatoire. Selon ses avocats, M. Hakamada a été interrogé pendant un total de 264 heures, avec des séances pouvant durer jusqu’à seize heures, sur une période de vingt-trois jours pour obtenir des aveux. Sa condamnation à mort avait été confirmée en appel en 1980 par la Cour suprême japonaise.
En mars 2007, Norimichi Kumamoto, chef du collège de trois juges qui avait initialement condamné M. Hakamada, avait déclaré avoir douté de sa culpabilité. L’Association des boxeurs professionnels japonaise et Amnesty International soutiennent le condamné et permettent d’obtenir une avancée.
En 2014, le tribunal de Shizuoka admet des doutes sur sa culpabilité après que des tests génétiques ont ébranlé des éléments à charge au cœur du dossier d’accusation : l’ADN retrouvé sur des vêtements ensanglantés ne correspondait pas au sien. Il est alors relâché.
Cette affaire était devenue un symbole pour les partisans de l’abolition de la peine de mort au Japon, moins nombreux dans l’Archipel, selon les sondages, que ceux qui y sont favorables. Mais le chemin pour obtenir un procès en révision a été particulièrement long et tortueux. Sur appel du parquet, la Haute Cour de Tokyo a remis en cause en 2018 la fiabilité des tests ADN et annulé la décision de 2014, sans pour autant renvoyer M. Hakamada en prison. En 2020, nouveau rebondissement : la Cour suprême a cassé la décision qui empêchait M. Hakamada d’être rejugé. Lors des réquisitions de son procès en révision, en mai 2023, les procureurs ont de nouveau réclamé la peine capitale en évoquant sa culpabilité « au-delà de tout doute raisonnable ».
Des éléments de preuve avaient été fabriqués
Jeudi, le juge a mis en cause l’enquête qui a conduit à la condamnation à mort. « Le tribunal a déterminé que trois éléments de preuve avaient été fabriqués suggérant que l’accusé était l’auteur du crime. En excluant ces éléments, les autres éléments à charge ne suffisent pas à établir qu’il est l’auteur » des crimes, a précisé le juge dans ses attendus. Il a également qualifié la méthode d’interrogatoire d’« inhumaine » car elle visait à infliger une « douleur physique et mentale » et à « contraindre à faire des déclarations », thèse que ses avocats ont toujours défendu. Le juge a ajouté que « les enquêteurs ont altéré les vêtements en mettant du sang dessus ».
Les soutiens de M. Hakamada, qui n’a pas assisté à l’audience, espèrent que les procureurs ne feront pas appel de ce jugement. Selon ses proches, il souffre d’importantes séquelles psychologiques après avoir passé près de cinq décennies dans le couloir de la mort, souvent à l’isolement, et où chaque jour pouvait être son dernier, comme le prévoit la loi japonaise. « Nous avons mené une bataille qui semblait sans fin pendant si longtemps », avait déclaré, il y a quelques semaines, sa sœur Hideko, 91 ans, cheffe de file de ses soutiens.
Les condamnés à mort au Japon sont souvent avertis au tout dernier moment qu’ils vont être pendus quelques heures plus tard, la pendaison étant la seule méthode admise pour la peine de mort dans l’Archipel. Les responsables politiques n’ont pas l’intention de l’abolir. En décembre 2023 l’Archipel comptait un peu plus de 100 condamnés à mort dans ses prisons.