L’ancien chef de l’opposition guinéenne, Mamadou Oury Bah, a été nommé Premier ministre par Mamadi Doumbouya, une semaine après qu’il a brusquement dissous le gouvernement.
Cette nomination intervient dans un contexte de mécontentement croissant à l’égard des militaires.
Deux personnes ont été tuées lundi à la suite d’affrontements entre la police et des manifestants lors d’une grève nationale des travailleurs.
Les syndicats ont réclamé une baisse des prix des denrées alimentaires alors que les Guinéens luttent contre le coût élevé de la vie.
Qui est Mamadou Oury Bah ?
M. Bah, populairement connu en Guinée sous le nom de Bah Oury, 65 ans, est un personnage populaire de la politique guinéenne depuis le début des années 1990. Il a été ministre de la réconciliation dans un gouvernement de consensus formé en 2007.
Cet économiste de formation devrait non seulement mettre en place un nouveau gouvernement pour remplacer celui qui a été limogé, mais aussi prendre des mesures pour atténuer les difficultés économiques auxquelles sont confrontés des millions de Guinéens.
Il a passé quatre ans en exil en France après avoir été impliqué dans une attaque contre le domicile du président Condé en 2011, mais il est rentré au pays en 2016 après avoir été gracié par le président.
Dans son discours, M. Bah a exhorté les syndicats à mettre fin à la grève et à “mettre en évidence ce que nous pouvons faire ensemble pour résoudre les grands défis progressivement, étape par étape”.
La prestation de serment du nouveau Premier ministre s’est déroulée en présence du président par intérim Mamadi Doumbouya, qui a dirigé un groupement des forces spéciales guinéennes pour renverser le président élu Alpha Condé en septembre 2021.
Une dissolution qui a surpris
Le lundi 19 février, le général Mamadi Doumbouya a dissous le gouvernement de la transition en Guinée. Une décision accompagnée d’une série de mesures qui suscitent de nombreuses interrogations.
Le décret de dissolution signé par le général Mamadi Doumbouya a été lu à la télévision nationale par le général Amara Camara, par ailleurs secrétaire général à la présidence de la République.
En attendant la nomination d’un nouveau gouvernement dirigé par M. Bah, ce sont les directeurs de cabinet et les secrétaires généraux qui ont été chargés d’expédier les affaires courantes.
Après la lecture du décret de dissolution par le ministre secrétaire général à la présidence de la République à la télévision nationale, un communiqué du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) a annoncé les mesures conservatoires qui s’attachent à cette dissolution.
Les autorités guinéennes n’ont pour le moment fourni aucune explication sur les raisons de cette dissolution encore moins les mesures qui les accompagnent.
Quelles sont les mesures prises par le général Doumbouya ?
La dissolution du gouvernement de la transition est accompagnée de plusieurs mesures conservatoires :
- Restitution des véhicules de service et d’escorte des membres du gouvernement dissous au Garage du Gouvernement sans délai ;
- Gel des comptes bancaires des ministres sortants ;
- Restitution tous les documents de voyage au secrétariat général de la présidence
- Remise des cachets aux intérimaires désignés :
- Démobilisation de tous les gardes corps et aides de camps.
Selon le général Amara Camara, secrétaire général à la présidence de la République, « Le haut commandement de la gendarmerie et le directeur général de la police nationale sont chargés de prendre toutes les dispositions pour mettre les tampons au niveau de tous les départements jusqu’à la prise en main totale des intérimaires. »
Les intérimaires sont conviés ce mardi 20 février à une réunion à la présidence de la République, a annoncé le chef d’état-major général des armées.
Confiscation des passeports, du déjà-vu sous Doumbouya
Suite à son accession au pouvoir, le général Doumbouya, lieutenant-colonel à l’époque, avait sommé aux ministres d’Alpha Condé de rendre leurs passeports ainsi que leurs véhicules de fonctions lors d’une sorte de cérémonie d’allégeance.
Même s’il avait, à l’époque promis de ne pas mener une chasse aux sorcières, plusieurs personnalités du régime déchu sont poursuivies pour des faits présumés de corruption et d’enrichissement illicite.
Ibrahima Kassory Fofana, dernier Premier ministre d’Alpha Condé et qui fait partie des dignitaires écroués pour des faits de détournement de deniers publics, n’a toujours pas été jugé.
La Cour de Justice de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest avait d’ailleurs ordonné sa libération dans un délai de trois mois. Une décision qui tarde toujours à être exécutée.
Les autorités guinéennes avaient également déclaré en 2022 qu’elles allaient poursuivre l’ancien président Alpha Condé pour meurtre et autres crimes commis pendant son mandat.
“La personnalisation de la vie politique est terminée. Nous allons mettre en place une transition transparente et inclusive”, avait déclaré Doumbouya lors de son accession au pouvoir en septembre 2021.
La Guinée est sous régime militaire depuis qu’une junte a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en septembre 2021.
Le principal bloc économique et politique de la région, la Cedeao, a fait pression sur la junte pour qu’elle organise des élections et rétablisse un régime civil.
Les deux parties se sont mises d’accord sur un calendrier de transition de 24 mois en octobre 2022.
Il reste dix mois à la junte pour organiser des élections et transférer le pouvoir aux civils, selon le calendrier convenu avec la Cedeao.
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