L’opposant principal au pouvoir de Mahamat Deby au Tchad, Yaya Dillo, est mort lors de la descente de l’armée au siège de son parti mercredi à N’Djamena, suite à l’attaque du bâtiment de l’Agence nationale de sécurité dont il était le commanditaire, selon les autorités tchadienne.
Selon Evariste Gabnon, porte-parole du Parti socialiste sans frontière (PSF), formation politique dont Yaya Dillo est président, le leader de l’opposition avait été « assassiné par la garde républicaine ».
Le procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de N’Djamena, Oumar Mahamat Kedelaye a déjà confirmé son décès lors d’un point de presse jeudi.
Jeudi, le ministre tchadien de la communication avait indiqué que M. Dillo et ses partisans tentaient de libérer un militant de l’opposition, arrêté pour avoir lui aussi prétendument tenté d’orchestré l’assassinat de la Cour suprême du Tchad.
« Au moment où ils sont allés les arrêter, ils ont répondu avec des armes lourdes contre les forces de sécurité qui ont utilisé leur droit légitime à l’autodéfense et les ont arrêtés », a déclaré Abderaman Koulamallah, ministre de la communication du Tchad.
Ce dernier a précisé que Yaya Dillo a tiré sur les forces de sécurité qui ont riposté, atteignant l’opposant qui a succombé à ses blessures.
Qui était donc Yaya Dillo ?
Yaya Dillo est le chef du Parti socialiste sans frontière (PSF), une formation politique de l’opposition au Tchad.
Cousin de l’actuel président, le Général Mahamat Déby, Yaya Dillo s’est toujours opposé au régime tchadien depuis le temps d’Idriss Déby Itno dont il est le neveu. Cette rivalité avec le régime Déby a provoqué des tensions au sein de l’ethnie Zaghawa à laquelle appartiennent les deux hommes.
Une frange importante des caciques de cette ethnie, parmi laquelle des officiers supérieurs hostiles au général Déby, selon des analystes, a rallié la cause de l’opposant qui bénéficiait de leurs soutiens.
Ancien chef rebelle armé, il a longtemps combattu le régime tchadien. En 2005, Yaya Dillo a créé le Socle pour le changement, l’unité et la démocratie (SCUD), un mouvement qui a tenté par deux fois de renverser le président Déby.
Il avait rejoint le régime Déby en 2008, et était devenu d’abord Secrétaire d’Etat, puis ministre des Mines pour finir Conseiller à la présidence de la République.
M. Dillo a fini par se lasser de ce rapprochement, puisqu’il avait quitté le giron du pouvoir pour rejoindre l’opposition.
En 2020, alors qu’il était député de l’opposition, il a été visé par une plainte pénale pour diffamation et injures à l’endroit de Hinda Deby Itno, l’ex première dame du Tchad et sa Fondation grand cœur.
Cette plainte était consécutive à un direct sur Facebook dans lequel l’opposant critiquait la gestion de la pandémie Covid-19 par le gouvernement. La Fondation de la première dame, selon lui, s’ingérait de trop dans la gestion de la crise. Dillo avait donc appelé le chef de l’Etat, Idriss Déby Itno à écarter son épouse de cette gestion.
Exilé après une tentative d’arrestation qui a coûté la vie à sa mère
Le refus de Yaya Dillo de répondre aux convocations de la justice, afin d’expliquer davantage les accusations portées contre la première dame, a provoqué une descente des soldats d’élite chez lui pour l’arrêter.
Dans la nuit du 27 février 2021, cette unité de l’armée a fait irruption à son domicile où il était retranché. Mais il avait réussi à s’échapper. Malheureusement, sa mère et son enfant ont été tués dans cette opération.
L’opposant, même en exil, n’a pas arrêté de formuler des critiques virulentes à l’égard du régime Déby à travers ses interviews qu’il donnait aux médias internationaux.
Retour au pays et participation au processus électoral en cours
A la mort d’Idriss Déby Itno, tué par les rebelles sur un champ de bataille, l’opposant, qui annonce avoir pardonné à ceux qui avaient tué ses proches, retourne au Tchad et demande une transition inclusive.
M. Dillo a clairement affiché son intention de défier le général Mahamat Déby à la prochaine élection présidentielle prévue en mai.
Mais il n’a cessé de dénoncer le processus électoral en cours car, selon lui, cela conduit à des élections truquées d’avance et dont les résultats seront en faveur du président de la transition, son cousin Déby Mahamat. Pour lui, il faut une refonte du calendrier électoral.
L’UA regrette la mort de l’opposant
Dans un communiqué, l’Union africaine dit regretter le décès de l’opposant Yaya Dillo « dans les événements douloureux du 27-28 février au Tchad ».
« Le Président de la Commission de l’Union africaine (UA) S.E Moussa Faki Mahamat, regrette profondément le recours à la violence qui a entrainé mort et blessures d’hommes au Tchad », indique le communiqué.
Il a appelé à « l’impérieuse nécessité pour le Tchad de renouer de façon authentique avec le dialogue inclusif » de tous les acteurs sociopolitiques du pays.
NewLatter Application For Free